par Fontaine | 26 Déc 2021 | Texte |
Il suffit d’un rien. Il suffit de caresser la couleur pour qu’elle dégage une vibration de sensualité discrète. Il suffit de tracer des stries qui, entre tension et fluidité, sillonnent ou creusent les surfaces. Il suffit d’une luminosité à peine perceptible qui surgisse des fonds mats pour que les plages noires, proches du monochrome, perdent de leur certitude. Il suffit de privilégier les transparences pour que les œuvres irradient et s’animent.
Malgré l’importante quantité de traits ou de signes qui flottent sur ces feuilles de papier, pas de saturation ni de carambolage. Les connexions, les liaisons, se perdent et réapparaissent sans cesse mais ce qui pouvait être dispersion se révèle densité légère et mouvante.
Des signes ? Plutôt une fausse écriture ou des idéogrammes improvisés, qui séduisent sans se laisser déchiffrer, qui plongent le spectateur entre plaisir et frustration, face à un secret dont il ne capte que le murmure. Des signes qui s’élèvent ou s’étirent, ne nous informent de rien, sinon de leur existence, de leur délicatesse, de leur vulnérabilité. « C’est en somme une écriture dont il ne resterait que le penchement, la cursivité, cela tombe, cela pleut finement, cela se couche comme des herbes », remarque Roland Barthes au sujet de Cy Twombly.
Une série, les travaux de Philippe Fontaine ? On pourrait le croire tant ces images partagent un caractère semblable et portent une sorte de signature picturale de leur créateur. Toutefois, si la série semble contester à chaque toile la possibilité d’exprimer un sentiment particulier et personnel, les œuvres ici gardent une expression propre et individualisée, comme si le même n’arrivait jamais que différent. Peu bavard, le peintre semble chercher cette « révélation » en affirmant : « Usant de mes pinceaux sans bouleversement ni chaos, je poursuis mon chemin et me dit qu’en cela la nouveauté pourrait être en chaque œuvre ». Interrogé, il préfère le terme de suite, car pour lui la série a un début et une fin et frôle la narration.
Quoi qu’il en soit, il faut chercher loin pour trouver les mots adéquats face aux travaux de Fontaine. Pour les décrire avec justesse, il faut se passer des figures de rhétorique galvaudées, de termes aussi vagues qu’invisible et indicible, et demeurer d’une économie extrême. Pas très étonnant, car ses dessins et ses huiles semblent former un jardin clos, un univers silencieux, d’où rien ne s’échappe. L’artiste ne nous facilite pas la tâche en ne titrant pas ses travaux. Les œuvres s’expriment par la seule plénitude de leurs vertus plastiques, laissant ainsi toute latitude à l’imagination et au désir du spectateur.
Mais, peut-être, il faut se résigner « qu’il n’y a rien ici à révéler, nul secret à éventrer, sinon celui, diffus, partagé, qui fait les œuvres plastiques que l’on n’oublie pas ; quelques-chose sans nom, dont l’effet tient autant à l’ellipse qu’à la minutie du trait qui l’approche »
(Fabrice Gabriel)
Itzhak Goldberg, octobre 2021, à l’occasion de l’exposition à la Galerie Univer
Photo : Huile sur papier, 2021. 110 x 75 cm.
par Fontaine | 3 Déc 2019 | pastel, Texte |
Je voudrais revenir en quelques mots sur le problème soulevé précédemment* et maintenu en suspend depuis lors. Hors il s’agit de la nécessité, pour moi, de ne pas nommer, huiles, dessins et autres œuvres présentées ici, et ailleurs. Donc, quel était le dessin sujet de commentaire ? Était-ce le dessin aux formats 40 x 30 cm ou celui plus réduit de 21 x 14,8 cm? Impossible de savoir, l’un est essentiellement réalisé au crayon rouge, et j’aurais pu légender fièrement: « Crayon rouge ». Bon, cela n’aurait rien apporté de nouveau à sa lecture et sa compréhension, être plus descriptif encore, par exemple: » Spirale rouge » en eu le même effet. Et que dire de ce dessin aux techniques variées se trouvant là mêlées sur un bout de papier, en faire l’inventaire même parcellaire permet déjà de le différencier, aller plus en avant risquerait d’alourdir et de prendre la place de ce petit papier. Il me semble préférable de garder le mystère et de mettre ces commentaires au combien élogieux sur le dessin que je choisis, ou bien sur aucun d’eux et selon le moment et l’envie attribuer ces mots à l’un ou bien à l’autre. Voilà en somme pourquoi depuis de nombreuses années, voire des décennies, je me refuse à toute annotation supplémentaire, réduisant la légende, puisqu’il en faut une, à indiquer une technique sommaire une année et puis la dimension, utile pour les reproductions photographiques. Une numérotation m’apparaît fastidieuse et peu appropriée, devrais-je écrire ; « Spirale rouge n°1 », assez peu poétique, et qui tenterait à prouver qu’il y en aurait d’autres à venir; Horreur! Me voici contraint à spiraler de toutes les couleurs pour assumer l’erreur d’un jour de lassitude. Roman Opalka avait, et de quelle manière subtilement réglé le problème, poussant la numérotation à son paroxysme… Il y aurait beaucoup à dire sur les titres, mais ainsi je m’arrête, ne trouvant pas de titre à mettre sur ce texte. Les commentaires me donnent parfois un sens inattendu, surprise de l’instant qui me convient souvent . A la dernière minute j’ai mis titre au texte.
*billet du 2 décembre 2019
par Fontaine | 2 Août 2017 | exposition, Texte |
En guise de préambule nous pourrions nous souvenir de la manière dont Jacqueline Lichtenstein¹ parlait des artistes qui, à partir de la Renaissance, avaient choisi de défendre la spécificité de la peinture, son irréductibilité à tout autre mode de représentation, et plus précisément au langage, et se sont servis de la comparaison avec la rhétorique qui n’est pas tant l’art de plaire que celui de convaincre.
¹ Jacqueline Lichtenstein, La couleur éloquente : rhétorique
et peinture à l’âge classique, Flammarion, 1989.
Comment parler de la peinture, qui n’ait pas été dit, qui en offre une lecture et un éclairage particuliers ? Comment décrire ce qui est donné à voir, cela a-t-il un sens ? La peinture ne détient-elle pas en elle les informations?
Les émotions sont sujettes à interprétations, mais le choc ressenti face à une œuvre est souvent du ressort de chacun, se faisant l’écho de ses propres acquis. Les mots seraient donc là pour entraîner le regardeur sur d’autres voies, le peintre quant à lui aime à manier la couleur.
Ainsi, entre la nécessaire activité de peintre et le besoin du mot parfois, l’équilibre me semble fragile. Difficile exercice d’écrire sur la peinture sans risquer de la mettre au second plan, reléguée au rang d’image, prétexte aux mots.
Cependant ce que nous donne à voir la peinture, c’est cette irréductibilité, ce qui en elle résiste, se refuse à toute tentative d’intégration dans l’univers homogène du discours.
Lors d’une toute première visite dans votre atelier je me souviens comme d’avoir été invitée à me glisser à l’intérieur d’une couleur parce que la couleur ne semblait d’emblée pouvoir être perçue comme cette part de la peinture, rétinienne, vibrante, presque tactile dont on ne peut rien dire ou dont on ne sait comment parler.
De cette vibration provenant d’une couleur, je me dis qu’aucun mot ne peut la remplacer. D’ailleurs, est-il nécessaire, possible même, de définir une couleur tout comme pour la musique, au-delà de la justesse seule la sensation qui en est retirée me semble avoir du sens.
Dans une toile monochrome, parfois, quelques éclats colorés s’invitent discrètement, et le trouble s’installe ; qu’importe, la toile existe.
Ailleurs, je m’interroge sur l’équilibre d’un bleu posé sur un dessin, de la perception qui peut en être faite, et qui semble s’écarter si loin de ma propre émotion. Peu importe, le dessin existe.
Certes, j’ai cependant besoin de revenir à cette notion de la recherche de cet équilibre. De quoi s’agit-il ? Le dessin suppose peut-être un support plus fragile (mais l’est-il vraiment ?) ou du moins un peu plus diaphane que la toile ?
La couleur est-elle un dépôt sur le support ? Comment arrive-t-elle cette couleur ? Jusqu’où peut-elle vous entraîner ou est-ce vous qui la guidez ?
L’équilibre, comme un point de rupture, de ce moment physique où tout peut être bouleversé, où la peinture semble remplir l’espace et qu’un souffle incertain ferait tout basculer.
Il y a quelques années la notion de déséquilibre alimentait une démarche figurative. Aujourd’hui je recherche dans la qualité même de la couleur, dans sa vibration, et dans sa densité le point d’aboutissement de la toile ou du dessin.
L’HUILE
Désormais, le papier emporte ma préférence car immédiatement disponible. Punaisé simplement au mur de l’atelier, je commence à peindre à l’huile, premières touches et premières couleurs posées au rythme et aux sensations de l’instant. Le recouvrement du support constitue une base pour imaginer ensuite un accompagnement ou une contradiction à cette proposition colorée. Apparaissent parfois, souvent, quelques éléments graphiques, fausse typographie, lacunes laissées dans un recouvrement comme des fenêtres sur les couches antérieures, participations plus ou moins lisibles de l’élaboration de la toile-papier. Arrive enfin le point d’équilibre où le geste supplémentaire enclencherait une tout autre aventure.
LE CRAYON
Au crayon, sur le papier, le processus est un peu différent : seul le trait peut faire monter la couleur : j’entends par là que plusieurs passages successifs sont nécessaires à l’élaboration d’un ton. Le papier reste partiellement visible et contribue effectivement à cet aspect diaphane dont nous parlons et qui rend la technique immédiatement reconnaissable et les dessins dissociables des huiles. Pourtant, la démarche est bien la même : des touches, gestes graphiques, ponctuent parfois la surface colorée, lettres improbables, griffures, coulures simulées d’un crayon justifient une fois encore la recherche de cet équilibre. J’aime maintenant à y substituer la sonorité.
Il y a dans vos descriptions, le fait d’être à l’ouvrage, de faire du « bel ouvrage » avec ce balancement constant de tenir puis de lâcher prise et vice versa, et je rebondis sur l’évocation de la sonorité là où le travail serre ou libère des creux, des interfaces qui résonnent ou qui entonnent des variations.
Aboutir sur une toile ou dans un dessin à une résonance quasi musicale, atteindre l’accord parfait ou dissonant, mais chargé d’émotion est une quête permanente dans mes peintures. Je les confronte parfois, créant des harmonies, associant les sonorités. Oui, l’idée de variations dans ma peinture me séduit assez.
De belles coïncidences à mon oreille, celles (variations) dites de Goldberg dont on dit que Jean Sébastien Bach les aurait composées pour soulager de l’insomnie son commanditaire !… mais de l’atelier à l’espace d’exposition, qu’est-ce qui se met en jeu ?
J’ai souvent joué sur cette densité due à l’accumulation dans mes expositions jusqu’à la saturation, recréant le temps d’un événement une œuvre à part entière… mais éphémère. Dans l’atelier, le temps d’une journée, j’ai regroupé trente huiles sur papiers collées au mur sur trois rangs, si proches qu’un fin réseau, sorte de quadrillage, reliait chaque peinture dans une proximité et une confrontation… Juste pour le plaisir.
L’envie de rendre la peinture parfois moins accessible encore, pour mieux y revenir, puis de laisser les regards aller à soupçonner des graphismes, des matières, des transparences, permet peut-être de mieux s’en imprégner et de laisser agir le temps.
Quitter le confort très relatif de la lecture frontale des œuvres pour une approche oblique, lorsque celles-ci ne sont plus à hauteur d’yeux, convoquant une disponibilité accrue.
Seraient-elles aussi présentes dans l’atelier que dans un espace d’exposition ?
Ce sont là deux modes de présentation bien différents. Lors d’une exposition l’accrochage contribue à la perception d’une œuvre. Les regards naviguent entre les dessins, s’arrêtent sur une huile, appréhendent souvent la globalité de l’espace occupé. Un dialogue se noue alors entre l’œil et la toile.
A l’atelier, la démarche est différente, un rituel s’installe : du placard de l’escalier je sors une boîte remplie de dizaines de dessins, pastels, huiles sur papier, selon les périodes. Puis sur la table à dessin, un à un, les papiers se dévoilent. La vision est parcellaire, une œuvre en remplaçant une autre. A cet instant, l’échange devient possible, quelques mots parfois, souvent des silences, mais les regards sont là… Et peu à peu la boîte se vide.
Usant mes pinceaux sans bouleversement ni chaos, je poursuis mon chemin et me dis qu’en cela la nouveauté pourrait-être en chaque œuvre.
mars – août 2017
Texte issu du catalogue de l’exposition au Musée des Beaux-Art de Caen, 2017 / 2018
par Fontaine | 2 Fév 2012 | cubes, Texte |
La peinture sur cube est l’aboutissement d’une réflexion sur le volume. Comment pouvais-je traduire mon travail coloré à l’huile ou aux pastels en traitant la sculpture ?
Il me fallait une forme simple s’effaçant devant la peinture et induisant la notion de masse colorée et non de sculpture peinte. J’optais pour le cube, forme simple, compacte, stable sur toutes ses faces, l’équilibre parfait.
La première étape était franchie, et répondait en tous points à mes attentes. Le cube trouve désormais sa place aux côtés des toiles et des pastels et ouvre une nouvelle porte en se projetant sur le papier dans un travail aux crayons de couleurs. Des passerelles se créent d’un support à l’autre et se justifient l’un l’autre.
En second lieu, le cube peint existant devait être montré. Il n’était pas question de l’abandonner sur une sellette ou le coin d’une table. Je voulais lui conférer une préciosité à l’instar de celle qui émane des pastels. Je partais en quête d’un support pour le magnifier, une fois n’est pas coutume. Je répugne en général aux éclairages trop présents sur une toile pour en accentuer un détail ou quelque effet dramatique. Mais le propos n’est pas là, retour à mes cubes. J’avais travaillé il y a quelques années sur des grandes ardoises peintes recto verso, le trouble s’installait entre surprise, mystère et frustration ; avec les six côtés d’un cube le jeu n’en est que plus savoureux. Je décidais de lui adjoindre une boîte à peine plus grande que le cube, capitonnée à l’intérieur et recouverte de feuilles d’or à l’extérieur. Ses fonctions sont multiples, la fois piédestal, cadre, ou écrin ne laissant plus visible aucune des faces sur les trois au mieux exposées aux regards. Il me fallait cette préciosité de l’or pour révéler plus encore la rudesse du cube de bois ou de béton d’origine. L’or perturbe, agace ou réjouit, détourne les yeux de la proposition initiale, la peinture, qu’il exalte pourtant. Sensible à la moindre variation de lumière, il se fait l’écho des couleurs, vibrant selon les heures aux modulations de l’éclairage. Les cubes trouvent alors sur la surface lisse et miroitante, une résonance tout en contrepoint et ornementation.
Ainsi au fil des jours, les cubes se retrouvent-ils dessus, dedans, à demi sortis ou à côté, jouent de l’éclat de l’or qui réchauffe une couleur, et se reflètent à leur tour sur les surfaces dorées. Il y a dans ce travail un rapport à l’histoire de l’art, l’envie de l’inscrire peut-être entre retable baroque et monochrome de Klein, le grand écart.
Puis, désireux d’exalter le contact, peinture dorure, et d’en multiplier les effets, j’inverse la proposition, désarticule la boîte gardée à demi béante. Dorée à l’intérieur, elle montre à l’extérieur la rudesse du matériau laissé brut que je souhaite en acier. L’idée de la boîte, écrin luxueux reste entière, sa lecture est intacte. Le cube repose sur une face, entouré de toute part de faces dorées qui font office de réflecteurs de couleurs et de lumière. La boîte éclatée apparaît comme un rempart protecteur autour de lui ne le rendant accessible que du regard. Tel en est-il ainsi du coquillage exhibant une perle, prêt à se refermer au moindre danger.
D’autres cubes sans boîte s’isolent en haut de poutres posées verticalement, deviennent les prolongements colorés de ces morceaux de bois brut où seul un liseré de dorure relie les deux éléments, vestige d’une boîte disparue.
Au travers de ces mises en situation, la peinture reste toujours le point de départ, ce qui donne à mes yeux une cohérence à l’ensemble des supports et des techniques que j’utilise. Il y a là encore le désir de parler de couleurs, de la regarder différemment, de faire ce va et vient du volume au frontal qui en toutes circonstances vibrent au gré des lumières et du temps.
Philippe Fontaine
2 février 2012
par Fontaine | 18 Avr 2009 | calque, huile, papier, pastel, Texte |
La peinture, comme matériau et comme pratique essentielle est restée le moteur premier de création. Cette pratique imperturbable m’a amené à me questionner sur la façon de maîtriser la couleur et donc sur l’appréhension et la perception de mon travail.
Naissant des couches successives, des superpositions de touches, la matière exprime sa couleur. Je m’efforce d’en trouver la vibration, le rythme, la musicalité même qui entrent en résonance au moment de la création, accord parfait ou dissonant. Aujourd’hui, la couleur s’impose au cœur de ma démarche, elle prend du poids, devient matière mentalement palpable. L’affirmation d’une teinte est souvent le refus de dix autres possibles. Équilibre précaire et variation colorée d’où semble vouloir sortir une sourde lumière improbable appellent le regard abandonné à la toile. L’émotion prend corps, se laisse aller à la puissance d’un rouge, la profondeur d’un bleu, le poids d’un ocre ou la richesse d’un gris. La couleur, seul refuge dans ce lieu sans histoire ni anecdote, devient une évidence, le reflet de chaque instant. L’œuvre est là, seule, reconnue pour elle-même, engageant un dialogue où il est question de silence, de matières impalpables, de lumières feutrées et de sourdes aspirations.
La couleur, maintenant omniprésente, s’étale sur la toile comme pour refuser toute place au motif. Le seul possible est réduit à l’état de halo, un trait parfois, dernière concession à une figuration oubliée, ultime référence au travail passé. Les teintes sombres enfouissent les repères abandonnés à la masse colorée ; sourdes, elles voilent la lueur d’un fond laissé trop vif; lumineuses parfois, elles réveillent une couleur renonçant à se taire. La couleur domine, elle détient en elle la solution, de teintes en demi-teintes successives la toile prend corps, s’affirme, trouve sa vérité, finit par exister, silencieuse sur les murs de l’atelier, d’une galerie ou d’un amateur sensible à sa musique. Alors lentement intervient la notion de temps dans le processus de création, puis dans la perception de la peinture, tant les filtres accumulés demandent une relecture, une envie de se laisser emmener dans la toile encore et encore. L’imposante évidence du moment passé à regarder, à pénétrer la matière, à se fondre dans la couleur donne à la toile toute sa dimension.
Cette détermination à imposer une peinture hors anecdote, au travers des vibrations, des transparences, du dynamisme avec lequel la matière parfois est posée justifie la confrontation aux autres et nourrit le plaisir de peindre. Bien que la technique n’ait que peu d’intérêt dans mon travail, n’étant à mes yeux qu’un moyen maîtrisé, elle n’en reste pas moins importante en tant que mode d’expression. Entre huile et pastel, le traitement et donc la perception diffèrent… L’huile renferme en elle une certaine volupté. Sa capacité à accrocher la lumière dans les teintes les plus sombres, à jouer de ses transparences montre sa subtilité à chaque instant. Sans contrainte ni désir de virtuosité, c’est pour moi le chemin le plus court pour aller de la toile blanche à sa résolution.
Parallèlement, et depuis quelques années, je travaille le pastel sec sur le papier ; utilisé parfois jusqu’à l’empâtement, il dévoile dans sa matité des transparences insoupçonnées. Le résultat n’est souvent pas si éloigné de celui obtenu à l’huile, il y a là peut-être quelque chose de plus frontal, de plus spontané de plus immédiatement accessible. Il y a, dans ce mélange des genres la volonté, non pas d’ouvrir de nouvelles portes mais plutôt de creuser un sillon plus profond, d’enrichir mon travail d’un éclairage différent.
A chaque toile s’impose le choix du format, petit ou grand, posé verticalement, vestige probable des hommes debout, omniprésents hier sous mes pinceaux. Sur quelques toiles carrées l’espace s’étale laissant au signe récurrent le loisir de chercher son centre. Entre la sensation d’immersion totale dans le sujet et la nécessité à le dominer, le plaisir s’installe et j’aime à me l’imaginer communicatif.
Philippe Fontaine
18 avril 2009
par Fontaine | 1 Août 2007 | exposition, Texte |
Texte écrit pour l’exposition à la galerie Sabine Puget au Château Barras en 2007
Philippe Fontaine est un homme discret, il n’a cure de l’éclat et du bruit. La campagne paisible de l’Orne entoure et protège son atelier. Il l’ouvre à qui le demande et montre son travail avec courtoisie et aussi une pointe de réserve. Il n’y a jamais d’ostentation à dire quels chemins il emprunte, il sait pouvoir y avancer et poursuivre sa quête seul. Son domaine est hors des sentiers battus, il l’accepte sans le revendiquer.
Depuis longtemps il accorde ses pas à la lenteur requise pour saisir l’insaisissable et lui donner le langage de la couleur.
Suspendus à des fils ses pastels flottent dans l’air de l’atelier, semblables aux feuilles d’un nuancier d’arc en ciel. Rien d’abord ne s’y distingue qu’une vibration, celle poudrée que portent les ailes des papillons Seul le regard peut l’effleurer, et pourtant la tentation est grande de caresser autrement cette douceur mate où se lisent les mille nuances d’une note dominante. L’approche mesurée, évidemment mesurée, révèle des signes placés au centre comme de petites cellules d’énergie diffusant, par souffles successifs, d’infimes particules de couleurs.
Naissent ainsi des jardins clos, voués chacun à une sensation de couleur et à toutes ses complémentaires. Rien de mièvre dans ces gris de brume, ces roses d’aurore ces bleus de ciel de traîne, ces verts ces jaunes ces bruns de végétaux et de terre. Ils sont cueillis au creux des étamines fragiles par un œil de mouche à qui rien n’échappe du pigment le plus ténu.
Cette œuvre patiente vient à la rencontre de nos désirs cachés de goûts rares, de senteurs subtiles, de textures transparentes et réveille en nous le bonheur de souffler sur une fleur de pissenlit ou de voir s’iriser une bulle de savon. Philippe Fontaine invite à feuilleter les pages d’un livre d’heures où se glissent les harmonies changeantes de la lumière du temps et de nos états d’être. A lire et à relire absolument.
Sabine Puget
Commentaires récents