Le pastel sec évoque une certaine sophistication du traitement artistique. Son caractère fragile et impalpable contrarie la brutalité de l’affirmation colorée : le monochrome prend avec lui une autre dimension. La vibration de la couleur révèle le geste de la main et de manière sourde les couches enfouies. Un signe parfois, éclat coloré, anime la surface d’une présence oubliée. Il en émane une puissance accrue par contraste avec le matériau aux accents délicats. Désormais le lien est immédiat avec la peinture. La saturation de la matière, la profondeur des couleurs font dans les deux modes des univers autonomes. Le processus de mise en œuvre est identique, nul dessin préparatoire, je manie la couleur jusqu’à l’obtention de la résonance idéale.

En évitant toute forme de virtuosité apparente je renforce le décalage entre l’appréhension et la perception de ma peinture. Ce qui apparaît comme un aplat, s’avère être le résultat de denses modulations et de transparences inattendues. Le temps participe à l’élaboration puis à l’appropriation mentale de l’œuvre. C’est un élément important dans mon travail, il ponctue depuis longtemps les accumulations, façonne les lentes métamorphoses et maintenant martèle les moments où chaque touche prend sa place. Le temps est perçu comme matière sensible.

Une dérive progressive vers l’abandon des signes repérables comme partie du corps, tête, nez, oreille.., ne raccroche pas moins mon travail à une certaine perception de l’humain.

Philippe Fontaine
28 décembre 2006